Gilles Miquelis
Dessin, Peinture

Croc-en-jambe
L’œuvre de Miquelis est un croisement hybride entre documentaire et voyeurisme, une sorte de strip-tease aux pinceaux vitriole le récit d’un contemplatif ou la revue des troupes avant l’assaut… Et si à force d’être familier l’ordinaire devenait extraordinaire et le quotidien étrange, comme le Vampire sans paroles de Dreyer. Le monstre s’approche sans bruit. C’est à peine s’il touche le sol. Il avance, vous regarde. Il semble vous connaître. Vous aussi vous l’avez déjà vu… mais le voilà qui repart comme si de rien était. A-t-il mordu ?
Ce monstre, Gilles Miquelis le voit tous les jours. C’est un ami, un ennemi, une connaissance. Peut-être bien votre voisin de palier. « Et au bon linge, des misères chics » comme dit Bashung, il en a vu ! Quid des actrices sans scénar, des ronds de cuirs en RTT/VTT, des beaufs avachis, des clebs enragés, des ménagères extraverties, des gays moustachus en « moule-bite », des skieuses libérées, des enfants attardés et des autostoppeuses complaisantes… Bref si Monsieur de Fursac habillait l’homme, Miquelis, lui, le déshabille, le croque sans mitaines, à nu et à cru. A lui les bas morceaux, « le sot l’y laisse », il se ressert ! Et pourtant on lui donnerait le bon dieu sans confection. Visage d’ange, sorti d’un casting de jeune premier de la nouvelle vague. Un rien de Stendhal sous une couche de scandale ? Méfiez-vous de l’eau qui dort ! Et alors son coup de pinceau lui ressemble comme deux gouttes de peinture, un gage de plus d’intégrité !
Né à Nice en 1976 en pleine rage de dent punk, au moment où le classement X ensemence la production de films érotiques bourgeois, Gilles aurait-il été bercé trop près des frères Ramones, de Reiser et du Behind the green door. Toujours est-il qu’au sortir de son adolescence, celui qui taquine le crayon depuis le lycée – « Mes premiers croquis je les ai fait d’après des photos d’actrices de Cinémonde et des strips de la revue Strange – s’expatrie, après un séjour à la Villa Thiole, à Montpellier pour y faire ses Beaux Arts. « A la Villa Arson, la peinture c’était pas trop bien vu. Pour en faire, il fallait être con ou têtu. C’est pire aujourd’hui, on considère le dessin comme un outil, alors que c’est l’arme absolue ».
Cette passion, il la tient de son père, scaphandrier de métier qui peint des aquarelles et s’adonne à la BD. De son côté, Gilles avoue s’être repu des illustrations à la gouache des revues des sixties, des affiches cinéma des années 50 ou 60, des cover trashy des premiers tabloïds à sensations genre Détective. Si cette culture bas de casse trouble sa libido, on ne peut s’empêcher de voir dans ses arrêts sur images aux pastels gras du bide une sorte de plan B. Un épisode de la bibliothèque verte qui dégénère en partouze. Ou bien est-ce la société qui aurait dévié de sa trajectoire ? Qui de la poule ou de l’œuf, de la pomme ou du serpent, de l’artiste ou du président ? La perversion est dans quel camp ?
Voyeur à 100% il en convient. « J’observe, je ne peins rien qui ne soit volé à la réalité. Mais je ne le fais pas pour choquer, j’ai l’impression de ne pas avoir d’autres solutions ». La mariée clope au boc et un brin dépenaillée, c’est une de ses copines, le jour de ses noces. Une mariée mise à nue… passe encore, il y a pire : « C’était assez minable de ma part, mais quand j’ai commencé à faire des croquis de putes, j’ai demandé à ma femme qui était alors enceinte de m’accompagner en voiture pour les photographier en douce ». Scandale, gabegie ! Non socio-anthropologie. Toulouse-Lautrec, Goya, Egon Schiele ou Bacon s’y prenaient-ils plus adroitement ? L’artiste en 2007, travaille lui aussi d’après nature ou photos. On ne change pas les règles. Il dessine et charge à l’huile. Son vert acide, c’est la mise au vert du jour du seigneur. Une série épiant par la serrure la province qui joue relâche le dimanche et vaque à ses aimables occupations. Des saynètes qui rappellent par leur cadrage cinématographique Edward Hopper, un grand maître de la désolation.
Chez Miquelis, la crudité préside toujours au repas des fauves comme dans Affreux, sales et méchants ou dans certains brûlot de Bertrand Blier qu’il adore. Et le théâtre de l’absurde n’est plus très loin : « L’humour c’est tellement dur à traiter en peinture ! Mais c’est un défi qui me plaît. Picasso, dans le genre, est le maître absolu ». Il est vrai que l’obscénité selon l’angle où l’on observe peut-être grotesque à souhait et pour la culbute originelle, même punition ! Alors pendant que la terre se craquelle sous nos pieds, Gilles Miquelis joue les touristes dans sa propre ville. Son pinceau fouille les entrailles libidineuses des tribus modernes avec cette acuité mêlée de tendresse et de férocité qui ne semble jamais vouloir se contenter du jugement des hommes. « Banlieue Sud, Banlieue Nord j’vais me les faire, ce sont des scènes de managers ! » Mais enfin où allez vous donc chercher tout ça, bel enfant !
Olivier Marro, in Coming Up, 2007
Biographie
Né en 1976 à Nice. Vit et travaille à Nice.
2001, DNSEP ENSBA, Montpellier
Expositions personnelles (sélection)
2019 Chez Lola Gassin, Nice
2017 Galerie Eva Vautier, Nice
2014 Chez Lola Gassin, Nice
2011 Ragots d’humanité, La Conciergerie, dans le cadre de L’art contemporain et la Côte d’Azur
2010 Dimanche, Galerie Sintitulo, Mougins
2019 Galerie Arkos, Clermont-Ferrand
2007 Ailleurs, galerie Norbert Pastor, Nice
2006 Galerie L’atelier, Monaco
Galerie Arkos, Clermont-Ferrand
Galerie Aminiart, Monaco
2005 Humanité, galerie 14, Paris
2004 Galerie Arkos, Clermont-Ferrand
Nous autres, galerie 14, Paris
Expositions Collectives (sélection)
2019 Contre-nature ou les fictions d’un promeneur d’aujourd’hui, Centre d’art contemporain de Châteauvert
2018 Corps à corps, Centre d’art La Malmaison, Villa Domergue, Cannes
Drawing now, galerie Eva Vautier, Paris
2017 Rappel, Musée Museum départemental des Hautes-Alpes, Gap
2016 Format raisin, galerie Martagon, Malaucène
Impression d’atelier, la création contemporaine sur la Côte d’Azur, CIAC, Carros
Art fair Athina, galerie Laureen Thomas, Athènes, Grèce
2015 Galerie Martagon, Malaucène
A une année lumière, galerie Eva Vautier, Nice
2014 Dernières acquisitions MAMAC, Nice
Mur, Mur, galerie Martagon, Malaucène
Quand même…, Le 22, Nice
Zootropie, Le 22, Nice
Galerie Laureen Thomas, Cagnes-sur-Mer
Format raisin, galerie Martagon, Malaucène
2013 Bonjour Monsieur Matisse, rencontre (s), MAMAC, Nice
Art fair Athina, galerie Laureen Thomas, Athènes, Grèce
Art fair Bruxelles, galerie Laureen Thomas, Belgique
2012 A l’origine Nice, galerie Marlborough, Monaco
2011 Ici Nice, Les Abattoirs Chantier 109, Nice
2010 Group show, galerie Rdf, Nice
Phase zéro, galerie Serge Aboukrat, Paris
Galerie Aminiart, Monaco
2009 So fucking french, Soff, Londres, Royaume-Uni
Galerie Pastor, Nice
Galerie Arkos, Clermont-Ferrand
Galerie lj Beaubourg, Paris
2007 Dessine moi un…, galerie Serge Aboukrat, Paris
Slick, Foire d’art contemporain, Paris
French touche, Villa Tamaris, la Seyne-sur-Mer
Galerie Arkos, Clermont-Ferrand
2006 Galerie Norbert Pastor, Nice
2005 Espace Julio Gonzales, Arcueil
Editions (CD) livres d’artistes, publications
Ici Nice, guide de la Ville par les artistes contemporains, Bernard Chauveau éditeur, 2011
Bibliographie – Catalogues collectifs
2015 Impression d’ateliers, La création contemporaine sur la Côte d’Azur, volume 2, Edition South Art
2014 Biennale UMAM, 65 artistes contemporains du Bassin méditerranéen, Château grimaldi, Cagnes-sur-mer
2013 Bonjour Monsieur Matisse ! Rencontres, MAMAC, Ville de Nice
2012 A l’origine Nice, Marlborough Gallery, Monaco
2007 French touche, Villa tamaris, La Seyne-sur-Mer